Imaginez une petite fille née dans un petit village du Cameroun appelé Bafia. 18ème d’une famille de 19 enfants, dont 6 filles, elle est prédestinée, comme ses sœurs aînées, à un mariage précoce à l’âge de 14 ou 15 ans. Pour ce faire, sa mère a commencé très tôt à la familiariser au rôle d’épouse en devenir : aller puiser de l’eau à la source, chercher du bois pour la cuisson, apprêter les repas, nettoyer les ustensiles de cuisine et tenir la cuisine toujours propre…
Tout ceci a changé, par une belle journée dominicale, où sa cousine, dont le mari était un infirmier-chef très reconnu, est arrivée au village pour demander à son père (l’oncle de la cousine), de lui confier l’éducation d’une de ses 2 jeunes filles encore au domicile familial (non mariées).
Très curieuse de nature et toujours entreprenante, la petite fille se jeta dans les bras de sa cousine en disant : c’est moi qui viens avec toi, sita (grande sœur).
C’est ainsi que la petite fille a quitté le domicile de ses parents biologiques à l’âge de 6 ans et est partie d’un village, sans eau courante ni électricité, pour aller vivre en ville avec sa cousine, dans une maison moderne, avec une fontaine d’eau courante et de l’électricité.
Pour couronner le tout, la petite fille a été inscrite à l’école par le mari de sa cousine et est ainsi devenue l’unique fille de toute sa famille à fréquenter une école.
Sa mère, qui lui rendait visite chaque vendredi (jour du marché hebdomadaire, très populaire en ville) et sa cousine, lui ont transmis les valeurs de service pour la communauté, de partage, d’honnêteté, d’humilité et l’importance de la famille.
Rapidement, la petite fille est devenue une femme très autonome et s’est mariée à l’âge de 23 ans, avec un brillant journaliste camerounais nommé Gerba Malam et les deux sont arrivés au Canada en 1986 pour poursuivre leurs études.
Vous aurez compris, que c’est cette petite, c’est moi, Amina Gerba, devenue la première camerounaise à avoir été nommée Sénatrice indépendante pour le Québec au parlement canadien. Qui l’aurait cru!
Élevée au sein d’une famille modeste et nombreuse, j’ai compris, très tôt, l’importance de l’autonomie financière et de la solidarité communautaire.
Très tôt aussi, j’ai compris la signification du mot UBUNTU qui signifie «Je suis parce que nous sommes». Car, en Afrique, l’enfant appartient à toute une communauté. C’est ce qui explique aussi le proverbe africain très connu dans le monde, qui dit que «Seul, on va plus vite, mais ensemble, on va plus loin».
Étant la seule fille de ma famille qui ait eu la chance de fréquenter une école, je suis l’exemple que l’éducation fait toute une différence dans la vie d’une fille. C’est pour cette raison que je milite non seulement pour l’éducation des jeunes filles, mais également pour l’autonomisation économique financière des femmes.
Arrivée au Canada en 1986, j’ai constaté la méconnaissance de l’Afrique. Il n’était pas rare que mes camarades à l’Université me demandent s’il y avait des maisons et des routes dans les pays africains. Très peu savait même que l’Afrique était un continent de 54 pays. J’ai donc décidé de consacrer ma carrière entrepreneuriale à tisser les liens économiques entre le Canada et l’Afrique. Grâce aux différents événements et forums internationaux que j’ai organisés, tant en Afrique qu’au Canada, qui ont mis en relation des décideurs africains et canadiens et permis la signature des contrats de partenariats d’affaires représentant plusieurs centaines de millions de dollars pour les entreprises.
Pour moi, le succès ne se mesure pas seulement par notre chiffre d’affaires ou par notre réussite personnelle, mais aussi par l’impact que nous avons sur notre société. C’est ainsi que je suis toujours à la recherche des opportunités pour redonner à ma communauté.
C’est aussi pour cette raison que j’ai laissé le milieu des affaires pour accepter de servir comme Sénatrice indépendante du Québec (Rigaud), à la Chambre haute du parlement canadien, depuis le 29 juillet 2021.
En tant que parlementaire (législateur), j’examine les projets de loi avec les lentilles des communautés que je représente. Je m’implique très activement dans la diplomatie parlementaire, notamment en tant que coprésidente de l’association parlementaire Canada-Afrique et membre du comité directeur de la section canadienne de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie.
SUJETS D’INTÉRÊT COMME CONFÉRENCIÈRE